« L’érotisme pourrait être l’art de bien cuisiner ses amours. » (Sony Labou Tansi)

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Dans la troisième édition (publiée en 2013, toujours disponible en librairie, les deux précédentes ayant paru en 1999 et 2003) de son brillant essai abondamment documenté et intitulé L’érotisme au Moyen Âge – Le corps, le désir, l’amour (Paris, Éditions Tallandier, collection « Texto » dirigée par Jean-Claude Zylberstein), le philosophe belge Arnaud de La Croix se penche avec finesse et subtilité sur un thème largement méconnu du grand public.

 

Écoutons-le :

 

« Moyen Âge et érotisme : les deux termes paraissent contradictoires. Ils ne le sont pas. La civilisation médiévale, taxée à tort d’obscurantisme, fut extrêmement inventive dans les domaines du désir et de la sexualité. A la fin du XIsiècle, les premiers troubadours chantent la sensualité, la femme, l’adultère, et influencent progressivement les comportements amoureux en Occident, en rupture avec l’héritage antique.

 

Au XIIIsiècle, le Roman de la Rose signe avec éclat la fin du grand rêve courtois et, dans les fabliaux, le sexe s’affiche crûment. Nombre de sculptures figurent l’obscénité, tandis que les rites carnavalesques évoquent une sexualité pulsionnelle, liée à des traditions populaires très peu chrétiennes. En définitive, l’érotisme médiéval, riche et contrasté, ne cesse de nous surprendre et de nous interroger. »

 

L’auteur montre notamment les origines complexes du fin’amor (« amour courtois » en occitan) mêlant paganisme préchrétien, possibles rémanences grecques demeurées en Provence, mais aussi, et peut-être surtout, l’influence des Arabes d’Andalousie, en particulier celle du poète, historien, juriste, philosophe et théologien musulman Ibn Hazm (Cordoue, 994 – Niebla, 1064)[1] dont la poétique, marquée du sceau hellénistique, conçoit l’amour à la façon platonicienne, comme une union des âmes fondée sur le principe de ressemblance.

 

Cet amour, dans le monde arabo-andalou et en Occitanie, est vécu hors mariage, car, comme l’écrit Arnaud de La Croix, « ces sociétés magnifiaient à l’origine le lien homosexuel qui unissait l’ami à l’ami, selon le modèle antique de la fraternité virile. La femme y apparaissait comme une créature étrange, voire dangereuse, à laquelle on pouvait s’unir pour avoir des enfants ou acquérir une position par l’alliance avec la famille du père. Elle sera, dans l’Occident chrétien, objet d’une grande méfiance de la part de l’Église ».

 

Bien entendu, l’amour courtois adoptera progressivement une approche hétérosexuelle, pour donner les milliers de textes en ancien français et en occitan que l’on connaît, allant même jusqu’à faire de l’amour de la « belle dame » celui, éthéré, de la plus parfaite de toutes les femmes, « Notre-Dame »…

 

Nous ajouterons au passage une minuscule pierre au bel édifice érigé par Arnaud de La Croix en signalant que le caractère homosexuel du fin’amors à la façon mauresque fit l’objet de railleries plus ou moins subtiles, notamment sous la plume du premier troubadour, Guillaume IX d’Aquitaine (1071-1127)[2] qui, dans la Chanson convenable, demande à ses compagnons quel cheval (et non pas jument) il doit monter, d’Agnès ou d’Arsens

 

Bernard DELCORD

 

L’érotisme au Moyen Âge – Le corps, le désir, l’amour par Arnaud de La Croix, Paris, Éditions Tallandier, collection « Texto » dirigée par Jean-Claude Zylberstein, 3édition, mai 2013, 168 pp. en noir et blanc au format 12 x 18 cm sous couverture brochée en couleurs, 7,90 € (prix France)

 

Table des matières :

 

Préambule

 

De l’Éros antique à l’érotisme médiéval

Fin’amor

Dorée d’Amour

Éros mystique et féminin

Sexualité populaire

 

Conclusion

 

Épilogue : la fin du Moyen Âge

 

Bibliographie

Fin’amor : discographie sélective

Index

[1] Dans son traité De l’amour et des amants.

[2] Qui, avec roi de Castille et León, Alphonse le Batailleur, guerroya de 1120 à 1123 pour la conquête du royaume de Valence, remportant notamment la bataille de Cutanda, le 18 mai 1120. (Source : Wikipédia.)

 

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